Quand la dictature s'installe!

Quand la dictature s'installe!

Mohamed Ali Said vient de céder aux sirènes de Beit-salam. Ce qui n'était jusqu'ici qu'une rumeur a été confirmé hier par le premier concerné. Il a décidé de fausser compagnie à Mohamed Abdouloihabi, chef de l'exécutif de Ngazidja, pour rejoindre, avec armes et bagages, le camp d'en face. Celui qui était prêt de remettre en jeu son mandat en 2010 pour permettre à la tournante de tourner, s'est finalement rétracté : il veut aller jusqu'au bout de son mandat. Comprenez : il ne s'opposera pas à une prolongation du mandat de Sambi, pour vu qu'il soit toujours là, à Bonovo.

Il convient de revenir sur deux des principales raisons invoquées par Mohamed Ali Said. D'une part, l'argument financier. Soumis à la disette par un pouvoir de l'Union prêt à le faire plier, le commerçant de Nioumachoua a fini par céder. Le procédé tient du machiavélisme. La rétention des salaires des fonctionnaires de l'île comme mode de chantage est une méthode grotesque. Comment peut-on prendre en otage des centaines de fonctionnaires, en cette période de crise financière, les priver de la possibilité de nourrir leurs familles et de s'acquitter de leurs devoirs primaires, parce que, tout simplement, l'on cherche à acculer un pouvoir ''intraitable''. Voilà que l'argent public, c'est-à-dire nos impôts, sont détournés de leurs objectifs initiaux et sont devenus un moyen de pression politique. Si l'on ne sait pas encore les termes exacts du deal entre l'Union et l'exécutif de Mohéli, l'on sait, par contre, que l'accord a été obtenu contre espèces sonnantes et trébuchantes (Ali Said s'est plaint, ces derniers semaines, d'avoir été soumis à un régime parcimonieux).

Deuxième raison invoquée par le locataire de Bonovo : l'attitude de la communauté internationale, qui aurait déjà choisi con camp, celui de Sambi. Il est vrai qu'on est en droit de se poser une série de questions sur la position de cette communauté. Alors qu'en Guinée, elle s'élève contre l'éventualité d'une candidature de Dadis Camara à la présidentielle, elle reste de marbre devant la volonté à peine voilée du chef de l'Etat comorien de jouer les prolongations. Ni le caractère ubuesque du référendum constitutionnel de mai dernier, ni l'immixtion inacceptable du pouvoir dans les décisions de la cour constitutionnelle (on se souvient de la révocation de Mouzaoir Abdallah), ni les violations flagrantes et répétées de l'autonomie des îles n'ont eu le don de heurter cette communauté internationale, devenue aujourd'hui un appendice du pouvoir. Il est vrai que si l'opposition comorienne compte sur cette communauté-là pour contraindre le président Sambi à respecter scrupuleusement son mandat de quatre ans, elle se trompe très lourdement.

L'autre actualité à Moroni, c'est le forum national sur l'emploi. Plus d'une quarantaine d'agents de recrutements sont arrivés à Moroni à la recherche de femmes de ménage, parce que, disent-ils, dans les pays arabes, les familles travaillent dur et n'ont pas le temps de s'occuper de leurs rejetons. Voilà résumé l'objectif du forum, sans aucune exagération. D'ailleurs, les délégués de ces sociétés du Golf n'en font pas mystère. On a beau distribuer des formulaires de demande d'emploi qui proposent une foultitude d'opportunités d'emplois dans plusieurs secteurs d'activité, le but de l'opération est de recruter esclaves modernes pour, pire encore, 150 euros, soit 75.000 Fc de salaires. Mais, l'on se demande, vu l'affluence record enregistrée par ce forum et les bousculades dans le hall du Palais du peuple, comment notre mémoire collective pouvait être si courte. Il y a quelques années de cela, des Comoriens auxquels on a fait miroiter des possibilités d'embauche dans les pays arabes, nous sont revenus avec des témoignages poignants et bouleversants.

Enfin, la polémique de la semaine. Elle tient d'une phrase, celle prétendument prononcée par le vice-président Idi Nadhoim qui aurait dit que le régime allait se maintenir au pouvoir jusqu'en 2013. Une déclaration qui a suscité un tollé, comme on pouvait s'y attendre, chez l'opposition nationale, qui attend son tour « pour plonger dans le bol de miel » comme ont dit en comorien. Et tant pis pour les citoyens. Mais, revenus sur cette phrase. Selon plusieurs sources, le vice-président a opposé un démenti à cette information et aurait défié quiconque de lui apporter la moindre preuve d'une telle déclaration. Pour ma part, je m'incline à penser que le président Sambi n'entend pas jouer les prolongations. Comment un chef d'Etat qui, pour toute une année, n'a payé, en tout et pour tout, que trois mois de salaires, pourrait-il avoir le courage de continuer ? Comment un président qui a passé par pertes et profits ses promesses électorales (logements décents, justice impartiale,...) pourrait-il avoir le culot de promettre encore ? Non, je n'y crois pas.
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